Difficile d’expliquer l'impression qui se dégage des
petits animaux pas si petits - sculptés par Véronique
Vaster.
Ce qui
frappe d’abord, quelle
que soit la matière terre, bois, bronze ou pierre, ce qui attire
est le rendu du poids du corps sur le sol.
La
poule de terre cuite verte, à l'entrée, elle couve,
c¹est évident. Les sculptures d'habitude, y compris les
plus belles, existent par elles-mêmes et pour elles mêmes,
ramassées dans l'air ou entrées dans un sol de bronze.
Les animaux de Mme Vaster habitent leur corps parterre, ils se sont
posés, leur corps prend sa place sur le sol, immobile mais
vivants. Ils sont vivants et immobiles, animés d’un mouvement
qui ne pousse pas leur corps vers une trajectoire, un objectif, mais
qui l’anime l'intérieur. A-t-on jamais si bien montré
la vie dans son volume, frémissante dans son enveloppe ?
L’une
de ces sculptures, la plus belle peut-être, s’appelle
Eveil. Bientôt les deux oiseaux se sépareront pour vivre
leur vie d'oiseaux, pour le moment ils sortent du sommeil dans le
soleil du matin.
Vivants, ils sont aussi humains, mais sans anthropomorphisme. Ils
sont l'animal dans l'homme, présents à leur corporéité
et tranquilles dans leur forme, assurés d’elle comme
justement les humains ne sont pas. Vaster fait exister des corps.
Et drôles parfois, habités comme le dragon emmenant son
chevalier confortablement allongé sur son dos, dos à
dos, l'homme porté dans le creux de sa chimère comme
dans des bras.
Ou joyeusement bon enfant comme la Victoire, trente centimètres
mais ses ailes de bronze fièrement dressées au dessus
de sa bonne tête de bon cheval sagement assis comme un chat,
bien rassemblé sur ses pattes de lion ; légèrement
ironiques comme la force carrée du félin entre les oreilles
duquel se niche un visage humain.
Nulle
allégorie pourtant, au contraire, chacun est parfaitement à
sa place dans l’autre et ce qui résulte de ces formes
arrondies, lovées, c¹est la grâce. La grâce
d'une présence silencieuse.
Les sculptures de Véronique Vaster suscitent la concupiscence,
on voudrait les avoir avec soi, dans son espace. Merci au moins de
les avoir faites, de les susciter dans leur matière.
D.L.
Novembre 2006